LES CRISES DE L'ESPACE SAHELO-SAHARIEN :

Publié le par NOUVELLE RACE AFRICAINE

IMG0012ALes crises de l’espace Sahélo-Saharien

Les 10 et 11 décembre derniers s’est tenu un colloque organisé par le PARENA (Parti pour la Renaissance Nationale). Je m’y suis rendu le deuxième jour, le dimanche 11 décembre à l’invitation du Docteur Oumar Mariko, Vice-président et Député de l’Assemblée Nationale Malienne et Secrétaire Général du Parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance). Le thème discuté était : « les crises de l’espace sahélo-saharien ». Un grand nombre d’intervenants se sont succédés dont le Président de l’Assemblée nationale et des membres du gouvernement sans que ne se dégagent de solutions concrètes, ni même une analyse approfondie du sujet. Dans son allocution le Docteur Oumar Mariko devait faire remarquer que non seulement le PARENA soutenait le gouvernement mais que les membres du gouvernement qui avaient pris la parole ne pouvaient se présenter comme « force de proposition et de réflexion » mais puisqu’ils assumaient la responsabilisé du pouvoir ils devaient être « force d’action ». Il a été longuement applaudi pour cette remarque frappée du bon sens par l’assistance. Tous les participants qui avaient précédé son intervention avaient éludé les causes de la déstabilisation du Nord du pays, mêlant problèmes d’insuffisance de développement, banditisme et narcotrafic avec la situation actuelle due à l’intervention de la France et de l’OTAN en Libye. L’ambassadeur de France avait eu l’occasion de longuement s’exprimer avant que la parole n’ai été accordé au Docteur Oumar Mariko. Voici les principales déclarations que j’ai retenu de l’intervention de l’ambassadeur. Ses premiers propos ont été pour mettre en accusation le gouvernement du Mali, l’État et la classe politique Malienne : « L’état n’a pas joué son rôle » ainsi parlait monsieur l’ambassadeur. Ce qui n’est qu’une façon de ne pas désigner le ou les responsables. Ce n’est pas « l’État », formule qui n’engage personne qui est défaillant à faire face à la situation complexe qui existe aujourd’hui au Nord du pays.
C’est le gouvernant qui ne joue pas son rôle, ce même gouvernement soutenu depuis 9 ans par les gouvernements successifs français. Ce même gouvernement français qui œuvre et soutien la mise en place d’un référendum coûteux et inutile pour asseoir la domination d’une bourgeoisie nationale compradore, affairiste et corrompue. Il devait faire le reproche aux participants de ce colloque de l’absence de réflexion et d’étude sur la question sur le Nord Sahélo-saharien malien mais ce ne sont pas les conférences, colloques ou études de spécialistes en tout genre qui font défaut mais l’absence de mesures concrètes et sérieuses qui font défaut depuis tant d’années.

L’ambassadeur a parlé encore de fatalité, « ce n’est pas une fatalité que le Nord du Mali soit une zone de non-droit ». Ce sont exactement les mêmes mots que le Président Sarkozy utilise quand il parle des banlieues françaises et n’offre que des réponses sécuritaires à tous les problèmes posés. Faut-il donc comprendre que comme dans nos banlieues françaises, les problèmes liés au manque d’emploi, au manque d’eau, au sous-développement, à la situation de famine devraient pouvoir être réglés à coup de « Karcher »

Il devait déclarer que ce ne sont pas les occidentaux qui sont la cible d’AQMI mais toute la population du Nord du Mali, son propos n’a pour but que de vouloir impliquer encore plus le Mali dans une situation dont le Mali n’est pas responsable. Ce n’est qu’une façon de dire que le Mali doit être chargé de résoudre le problème pour le compte de la France. Désolé de vous contredire Monsieur l’Ambassadeur mais ce sont bien les occidentaux qui sont visés. Ils le sont comme lui-même l’a reconnu, par ailleurs, pour une histoire d’argent et en cela il n’y a pas de frontière entre banditisme et intégrisme armé.

Inous avons eu droit à un couplet sur l’Islam modéré qui serait menacé par AQMI et non les occidentaux. ll est curieux d’entendre un représentant du gouvernement parler d’Islam modéré et de respect des traditions.

Correctement interprété, le terme d’islam modéré ne signifie que islam assujetti au capital et à la démocratie bourgeoise. Ce dont on est bien loin au Mali. Quant aux traditions, également menacées selon l’ambasseur de France, effectivement les traditions sont très vivaces parmi la population malienne, encore ne faudrait-il pas seulement en tenir compte quand cela convient aux intérêts français.

Ainsi, lorsque cela convient aux intérêts français, il est possible de parler de volonté partagée, d’association d’intérêt régional et même de communauté internationale. Mais qu’elle est donc cette communauté internationale ? Celle qui s’accorde en 24 heures pour bombarder la Libye, celle qui décide du Président élu en Côte-d’Ivoire ou cette même communauté qui se déclare sans pouvoir pour faire simplement appliquer les résolutions votées à l’ONU à l’égard de l’État d’Israël ?

On a pu retrouver des élans de « Sarkozysme » quand l’assistance entend ses mots guerriers « il faut faire le ménage chez-soi » et appeler les populations du Nord à dénoncer leurs voisins, leurs proches ou même des membres de leur famille ou de leur tribu. Pour quelqu’un qui parlait de traditions un peu plus tôt, cette détermination « vas-t’en guerre » ne peux trouver d’écho. Selon les traditions dont il était question précédemment, il est totalement inimaginable de penser que les populations du Nord puisse apporter leur concours à une ingérence extérieure à la communauté malienne.

L’ambassadeur de France parle encore de « Grenelle », encore un terme qu’affectionnent les collaborateurs du Président.

Permettez-moi un petit rappel historique : le premier « Grenelle » dont il a été question en France remonte au mois de juin 1968. Le patronat et le Premier Ministre de l’époque, Georges Pompidou, avec la complicité des forces syndicales soutenues par des partis politiques réformistes et révisionnistes se sont réunis pour mettre fin au processus révolutionnaire initié en mai 68.
Les classes populaires française ne peuvent interpréter cette expression de « Grenelle » que comme la manifestation de la trahison et de la victoire des intérêts de la bourgeoisie sur les forces populaires.
Nous inviterons donc Monsieur l’ambassadeur à réviser son vocabulaire et ses expressions.

Bizarrement, au cours de son intervention, on peut l’entendre parler de lutte contre la corruption. On peut s’interroger sur l’à-propos du sujet en relation avec le thème du colloque mais, surtout, on ne peut manquer de s’interroger : si on doit parler de corruption, il est alors nécessaire de parler de corrompus et alors de les désigner, mais il faut aussi parler de corrupteurs et, cette fois encore, prier Monsieur l’ambassadeur de nous communiquer leurs noms. D’autant que jusqu’à ce jour, ce phénomène de corruption n’a nullement empêché la France et ses gouvernements successifs de soutenir des dirigeants et gouvernements africains au cœur même de ce fléau. Si, il est indispensable de lutter contre ce cancer de la corruption au Mali, les déclarations de l’ambassadeur ne dépasse pas, encore une fois, le caractère d’effet d’annonce.

Poursuivant son discours, il a déclaré : « ne demandez pas en permanence tout et son contraire, si l’on veut des renseignements aériens il faut des avions étrangers sur son sol, s’il faut des formations pour des militaires, il faut quelques militaires étrangers sur son sol ».

Propos extrêment révélateurs des souhaits du gouvernement français. Celui-ci voudrait obtenir le feu vert des autorités maliennes pour combattre AQMI et contrôler les soldats d’origine Malienne qui ont quittés avec armes et bagages la Libye. Mais, comme le gouvernement malien, il se trouve confronté à l’opinion publique du peuple malien. Les interventions successives en Côte-d’Ivoire et en Libye ont soulevé une vague de protestation anti-impérialiste à travers tout le pays et tout le Continent. Il est impossible d’envisager aujourd’hui le retour des troupes de l’ancien colonisateur et l’ambassadeur avance prudemment ces demandes et pour impliquer un peu plus la classe politique malienne il utilise une remarque qui lui aurait été adressée : « On m’ a dit qu’il suffirait que l’Occident se mette d’accord avec le CNT pour organiser le retour des Libyens en Libye mais cela ne reglera pas la question de l’AQMI ou du trafic de drogue ».

Il est particulièrement intéressant de noter qu’un représentant du gouvernement français reconnaît que les troupes venues de Libye ne sont plus constituées de mercenaires sub-saharien.
Peut-on oublier que durant toute l’intervention militaire en Libye, le gouvernement français n’a cessé de proclamer que les troupes du Colonel Kadhafi étaient constituées de mercenaires africains venus de la sous-région ?
Cela a été l’un des axes de la propagande médiatique française pour discréditer les troupes gouvernementales Libyennes ? Bâtissant l’idée que Mouammar Kadhafi était tellement haï par son propre peuple qu’il avait dû faire appel à des troupes de mercenaires

Ce sujet est plus complexe que la façon dont il a été présenté par les médias français. C’est vouloir, encore une fois, vouloir nier les traditions et coutumes du peuple Touareg. La mère du Colonel Kahdafi était originaire de ces tribus Touaregs de cette zone aux frontières mals définies de la zone sahélienne et en geste de contribution à la stabilité de la région et pour résoudre, en partie, le sous-développement régional et l’absence d’emploi, il avait intégré les touaregs dans l’armée nationnale libyenne. Il faut encore savoir que la nationalité libyienne avait été acordée à ous ces soldats, si on tient compte des liens de parenté et des liens tribaux en vigueur dans ces régions du Nord, nous sommes très loin de ces troupes mercenaires décriées par les médias et les gouvernements ocidentaux.

Cerise sur le gâteau, l’ambassadeur de France se permet d’accorder des bons points à ceux d’entre les hommes politiques maliens qui approuveraient la vision politique de l’Elysée à l’égard du Nord du Mali. En un mot, le grand retour du paternalisme colonial.

La France dans sa parfaite continuité historique de puissance colonisatrice dominante est donc venue s’adresser à l’assemblée, par la voix de son ambassadeur, en donneur de leçon . Faites ceci, faites cela et vous aurez le soutien de la France mais, pas un seule fois il n’aura été question de l’intervention militaire française sous couvert de l’ONU et de l’OTAN en Libye. Ainsi, Le gouvernement français pense pouvoir dégager sa responsabilité dans cette intervention militaire et les conséquences politiques et humaines que cette intervention a engendrée.
Est-ce donc la faute du Mali et du peuple malien si de telles quantités d’armes circulent dans cette région ?
Est-ce la faute du Mali et du peuple malien si des milliers de civils, hommes, femmes et enfants ont dû fuir la Libye bombardée par les forces de l’OTAN ?
Comment pourrions-nous croire que les problèmes de trafic de drogue et d’armes, la famine ou l’absence d’emploi au Nord du Mali seraient soudainement apparus en 2011 et seraient dûs au Mali et au peuple malien.
Une représentante de femmes nomades de la région de Tombouctou ont pris la parole après l’ambassadeur pour dénoncer toute solution militire telle que prônée par le représentant du gouvernement français. Leur message éttait très clair : « nous ne voulons pas permettre que se développe une situation de guerre dans le Nord du pays, nous ne voulons pas de troupes françaises. Le problème d’AQMI est un problème français, pour tous les autres problèmes nous voulons résoudre nous-mêmes nos problèmes ».

Cette prise de position a été très applaudie par un public largement constitué de représentants des populations du Nord sahélien. Je tiens à signaler que tous les représentants des tribus qui se sont exprimés ont tous tenus à rappeler qu’ils tenaient à être considérés comme maliens à part entière et qu’ils s’exprimaient en tant que tel.

Le docteur Oumar Mariko devait prendre longuement la parole pour rappeler que les problèmes de sous-développement et de chômage n’étaient pas des problèmes spécifiques du Nord du pays. Par conséquent, dès l’instant où l’on parlait des causes de sous-développement, de manque de puits, de qustion de santé, il n’y avait pas lieu de considérer que ces questions soient des prolèmes spécifiques du Nord du pays. Déclaration pour laquelle il a été applaudi par toute la salle. Il devait également faire remarquer que la France n’avait pas à dire « faites ceci, faites cela », s’il était juste de parler de problèmes il convenait de dire que la France est un problème. L’intervention de la France en Côte-d’Ivoire avait provoqué l’arrivée massive de réfugiés d’origine malienne de ce pays. Plus de trois millions de maliens vivant en Côte-d’Ivoire se sont trouvés impliqué dans un conflit orchestré par la France. Au Nord du pays, la guerre en Libye n’avait pas seulement provoqué l’arrivée massive de populations civiles, de troupes en arme et inondé la région d’armes distribuées en abondance aux « rebelles » mais aujourd’hui ajoutait un fardeau supplémentaire à cette région fragile. Encore, faudrait-il rajouter à cela, le réchauffement climatique et l’avancée du désert qui avaient encore réduit les zones agricoles des oasis. Réchauffement dont les pays industrialisés, dont la France, sont largement responsables. Reprenant les propos des femmes de Tombouctou, Oumar Mariko devait réitérer leur appel :
non à l’ingérence de la France dans les affaires maliennes,non à une situation de guerre au Nord du pays, non à la recolonisation de l’Afrique. Laissez-nous régler nous-mêmes nos propres problèmes régionaux avec les gouvernements de la région concernés.
Il a été très applaudi pour ces déclarations, y compris par les représentants des gouvernements présents dans la salle.

 

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